Disparition de la productrice Tiziana Soudani

Divers 27 janvier 2020

La Cinémathèque suisse a l’immense tristesse de faire part du décès de la productrice tessinoise Tiziana Soudani, disparue samedi dernier, alors que les Journées cinématographiques de Soleure, dont elle avait reçu le prix d’honneur en 2017, battaient leur plein : elle y présentait à la fois le long métrage de Reynicke Love me tender, le documentaire de Daniel Schweizer Amazonian Cosmos et le court métrage de Antonio Prata Monsieur Pigeon.
S’il est d’usage que les producteurs soient des hommes ou des femmes de l’ombre, Tiziana Soudani n’aimait certes pas particulièrement les feux des projecteurs. Toujours souriante, hyperactive, volontaire et débordante d’initiatives, cette Locarnaise vivant à Minusio et travaillant à Lugano illuminait de sa présence les séances, les rencontres et les plateaux.
C’est en 1987 qu’elle a fondé avec son mari le chef-opérateur et réalisateur Mohamed Soudani la société de production Amka Film, du nom de leurs deux filles, Amel et Karima. Et c’est depuis là qu’elle s’est envolée de succès en succès, prenant parfois des risques insensés pour que des films existent… Mais l’avenir lui donnera raison.
Produisant tour à tour des œuvres de cinéastes suisses, italiens, africains, français ou même le Kurde irakien Hiner Saleem (avec Vodka Lemon, primé à Venise en 2003), Tiziana Soudani va rapidement s’affirmer dans le paysage somme toute réduit des producteurs helvétiques, et plus encore tessinois. Elle remporte le tout premier Prix du cinéma suisse avec Waalo Fendo, Là où la terre gèle, réalisé par son mari, en 1997. Elle reçoit le Premio Cinema Ticino sur la Piazza Grande de Locarno en 2013. Elle a aussi coproduit un succès planétaire : la comédie romantique de l’Italo-suisse Silvio Soldini Pane e tulipani (2000), un film couvert de prix qui marque le début d’une collaboration régulière avec Soldini.
Au fil des ans, elle travaille avec des cinéastes comme Marco Bellocchio (Sangue del mio sangue, 2015), Leonardo di Costanzo (L’intervallo, 2012 et L’intrusa, 2017) ou encore, dès ses débuts, avec Alice Rohrwacher, qui reçoit le Prix spécial du Jury à Cannes pour Le meraviglie (2014) et le Prix du scénario à Cannes pour Lazzaro Felice (2018). Et c’est sans compter les innombrables courts-métrages, films produits pour la télévision et documentaires qu’elle produit également, parmi lesquels je retiendrais le remarquable Face Addict de Edo Bertoglio (2005) ou encore Gotthard, One Life, One Soul de Kevin Merz (2017) présenté sur la Piazza Grande à Locarno. Les films produits par Tiziana Soudani ont ainsi participé à tous les grands festivals, de Cannes à Locarno en passant par Berlin, Venise ou Nyon.
C’est elle aussi qui, découvrant le club de cinéma pour enfants La Lanterne Magique en Suisse romande, décide de le développer dans plusieurs localités du Tessin à partir de 1996. Passionnée, chaleureuse, Tiziana Soudani était une amie du cinéma – et une amie tout court. Notre cinématographie perd une femme de grand talent. Au nom de la Cinémathèque suisse et en mon nom propre, j’adresse à son mari et à leurs deux filles toute mon amitié et solidarité.
Frédéric Maire

Tiziana Soudani aux 52es Journées de Soleure en 2017 © Journées de Soleure