Disparition de Erwin C. Dietrich

Divers 9 avril 2018

L’une des personnalités les plus marquantes de l’histoire du cinéma en Suisse est décédée le 15 mars dernier à Zürich. Si la nouvelle est restée confidentielle en Suisse romande, elle a été nettement mieux relayée en Suisse alémanique où celui qui fut l’un des rares magnat du 7ème art helvétique a vécu toute sa vie.
Né à Glaris le 4 octobre 1930, Erwin C. Dietrich fait ses débuts au cinéma comme acteur avant de fonder en 1955 la société de production Urania-Film. Entre Suisse et Allemagne de l’Ouest, il produit des films d’aventure, des comédies et des films policiers, notamment Der Herr mit der schwarzen Melone de Karl Suter (1960) où apparaît le comédien Walter Roderer qui deviendra par la suite le célèbre Nötzli, ou Du grisbi pour Hong Kong (Ein Sarg aus Honk Kong) de Manfred R. Köhler (1964), à partir d’un roman de James Hadley Chase.
En 1966, en sortant Schwarzer Markt der Liebe et Plaisirs Pervers (Les premières lueurs de l’aube) de José Bénazéraf, il devient l’un des premiers à produire des films érotiques destinés aux salles de cinéma, anticipant le mouvement de libération sexuelle des années 70. En 1968, il signe sa première réalisation avec une adaptation du roman libertin attribué à Guy de Maupassant (mais apparemment écrit par la Marquise de Mannoury d’Ectot) Les cousines de la Colonelle, devenu The Colonel’s Nieces.
Au cours des ans, il mettra en chantier plus de 80 films du genre, en particulier, entre 1975 et 1977, pas moins de 17 films du célèbre réalisateur espagnol Jess (Jesús) Franco, et fera connaître la comédienne Brigitte Lahaie. Tour à tour ou simultanément producteur et réalisateur, usant de pseudonymes comme Michael Thomas ou Manfred Gregor, il s’affirme comme une figure incontournable du florissant marché du film érotique, voire pornographique. Au fil des ans il n’hésite pas à investir dans des œuvres d’un genre bien différent : en 1983 et 1984 il sera coproducteur de deux grands films de l’Italien Marco Ferreri, L’histoire de Piera (1983), avec Isabelle Huppert et Marcello Mastroianni, qui vaut à Hanna Schygulla le prix d’interprétation à Cannes, et Le futur est femme (1984), présenté en compétition à Venise.
En 1978, entre Volupté sensuelle et Six Suédoises au collège, il revient au film d’action en produisant avec Euan Lloyd le film de guerre et de mercenaires Les oies sauvages de Andrew McLaglen avec Richard Burton, Roger Moore, Richard Harris, Hardy Krüger et Stewart Granger. Le succès commercial du film le conduit à produire encore quatre films de cette veine dans les années 80, avec notamment Klaus Kinski ou Lee Van Cleef, ainsi que deux comédies alémaniques où il retrouve le fameux comique de ses débuts, Walter Roderer, Ein Schweizer namens Nötzli (1988) et Der doppelte Nötzli (1990).
Il sera aussi le premier exploitant de salles du pays à bâtir un multiplexe avec le Capitol à Zürich, suivi par le Cinemax, revendu par la suite à la société Kitag. Considéré par des admirateurs de renom comme Joe Dante et Quentin Tarantino comme le «Roger Corman suisse», Erwin C. Dietrich a bâti un empire qui perdure encore aujourd’hui à travers la prestigieuse société de distribution Ascot Elite, gérée par sa fille Karin et son fils Ralph, auxquels vont toutes nos sincères condoléances.

Les archives de sa société Elite Film AG sont conservées à la Cinémathèque suisse depuis 2008: inventaire en ligne.

Erwin C. Dietrich aux côtés du caméraman Peter Baumgartner
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